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« Avec les femmes mariées, reprit Lecoq, il ne s’agit pas de plaisanter ; il y a le Code.

— Alors, n’y allez pas ! » s’écria Schwartz sur qui ce mot produisait un effet extraordinaire : nouvelle preuve de son honnêteté alsacienne.

Mais Lecoq mit la main sur son cœur et prononça d’un accent dramatique :

« J’en tiens, bonhomme, hé ! Plutôt mourir que de renoncer au bonheur !

— D’ailleurs, reprit-il avec moins d’emphase, on a le fil, Jean-Baptiste. Toutes les précautions sont prises et j’ai une lettre, signée de moi, qui voyage en ce moment dans la malle-poste. Elle sera jetée demain matin dans la boîte d’Alençon, à l’adresse du papa Brulé, pour lui réclamer mon jonc à pomme d’argent, qui est là dans le coin, et que je vais oublier en partant.

— Ah ! fit Schwartz. Tout ça pour une amourette ! »

M. Lecoq emplit les verres. Il porta le sien à ses lèvres et profita de ce mouvement pour examiner son compagnon à la dérobée. On était à la fin de la troisième bouteille, Schwartz avait dîné copieusement.

« Ça ressemble, murmura-t-il, aux histoires qui sont dans les journaux. Comment appellent-ils cela, à la cour d’assises ? Fonder un alibi, je crois. »

M. Lecoq éclata de rire.

« Bravo, bonhomme ! s’écria-t-il. On fera quelque chose de toi ! vous avez trouvé le mot du premier coup, Jean-Baptiste, hé ! Un alibi ! c’est précisément cela, parbleu ! Je fonde un alibi pour le cas où le mari voudrait me causer des désagréments. Tout n’est pas rose dans l’état de séducteur, non ! il y a aussi les coups d’épée, et le mari est un ancien militaire !… La fille ! le café et les liqueurs ! chaud ! »

Tout ceci fut prononcé avec volubilité, parce que