Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome I.djvu/169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le cabaretier continuait :

« J’étais chargé de tenir le cheval tout prêt pour l’évasion, à droite en sortant par la route de Pont-l’Évêque. L’homme devait me dire : Fera-t-il jour demain ?… Censé pour se faire reconnaître. Quoi ! ça ne servit pas, puisqu’il sortit blanc comme neige, à l’ordinaire… mais la connaissance était faite avec l’Habit-Noir no 2… le vôtre, monsieur Maynotte… y sommes-nous ? »

André venait de retomber.

« Et vous attend-on aujourd’hui, demanda-t-il, sur la route de Pont-l’Évêque ?

— Parbleu ! répliqua le cabaretier. Aujourd’hui ou jamais. »

Il ajouta avec un gros rire quelque peu contraint :

« Dites-donc, l’enflé, demain il serait un peu tard…. À nous deux ! »

Comme André saisissait le drap, une heure du matin sonna.

« Tonnerre de Brest ! gronda Lambert d’une voix altérée, comme ça marche, ces horloges !… Tiens bon ! »

Mais, au lieu d’obéir lui-même à ce commandement, il s’arrêta, la tête inclinée et l’oreille tendue. Un bruit venait du dehors et s’entendait distinctement parmi le silence de la nuit.

C’était le choc des maillets frappant le bois. Un tremblement agita les membres du cabaretier.

« Qu’est-ce que cela ? demanda André. Depuis que je suis en prison, je n’ai jamais rien entendu de pareil.

— On ne guillotine pas tous les jours, » répondit Lambert qui tâchait de rire.

Il ajouta, prenant décidément le dessus, et d’un air fanfaron :