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un invisible trait de lime a attaqué le métal, le son se fêle et le geôlier est averti.

Dans la règle, on doit sonner matin et soir les barreaux d’une fenêtre de prison ; mais Dieu merci, la règle a beau dire.

Louis ne sonnait jamais les barreaux.

Au dehors, la fenêtre était à cinquante pieds du sol !

« Il faudrait monter, » dit le cabaretier.

D’un saut et sans effort, la main d’André saisit l’appui de la lucarne.

« Ah ! la jeunesse ! » soupira Lambert.

Puis il tendit à André un petit morceau de fer pointu, en ajoutant :

« Ça m’a servi à couper la pierre de taille. Toquez le barreau tout doucement. »

Il avait aux tempes des gouttes de sueur grosses comme des pois.

André donna au premier barreau transversal un petit coup sec. Le cabaretier chancela sur ses jambes. André frappa l’un des barreaux scellés debout. Le cabaretier joignit ses mains qui tremblaient.

« Sciés tous deux ! prononça-t-il à voix basse. C’est la case de l’Habit-Noir ! »

Il se laissa tomber sur le pied du lit. André n’avait entendu que ce dernier mot.

« L’Habit-Noir a occupé cette cellule, en effet, dit-il. Est-ce l’homme qui a volé M. Bancelle ?

— Non. C’est le Père-à-tous… Celui qui tua la dame anglaise ici, à Caen, répondit Lambert. Ils sont plusieurs ; ils sont beaucoup. Vous saurez tout cela…. et d’autres choses… »

André se souvenait de cet assassinat dont on parlait encore lors de son arrivée à Caen, et qui l’avait frappé surtout à cause de ce fait que l’assassin venait de Corse.