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André pensait :

« À la rigueur, ce passe-port-là ferait mon affaire. »

Lambert le lui reprit d’un geste bourru et le remit dans son sein. Il était tout pensif.

« Bien obligé ! dit-il tout à coup. Les gueux se sont moqués de moi. Ils comptent sur le bourreau pour m’empêcher d’aller jamais leur dire grand merci ! Minute ! Tout n’est pas encore réglé…

— Monsieur André Maynotte, s’interrompit-il en changeant de ton complètement, vous êtes un honnête homme et je suis un coquin ; je ne vous propose pas d’association, mais je sais tout ce que vous avez besoin de savoir, et si nous sommes une fois libres, je pourrai vous donner des armes contre ceux qui vous ont mis dans la peine. »

Il y avait déjà du temps qu’André ne s’était entendu appeler honnête homme. De si bas que partît cette voix qui lui rendait justice, il fut ému jusqu’à sentir des larmes dans ses yeux. Sa main fit d’elle-même un mouvement pour chercher celle du cabaretier, mais une pensée vint à la traverse, et il répéta :

« Si nous sommes une fois libres !…

— C’est là le hic, pas vrai, Mimi ? reprit Lambert avec une gaieté soudaine et forcée. J’ai reculé tant que j’ai pu, mais il faut bien savoir à la fin. Répondez comme s’il s’agissait de votre salut. Avez-vous quelquefois sonné les barreaux de votre cage ?

— Jamais, répondit André. C’est depuis hier seulement que j’ai la volonté de fuir.

— Et Louis, a-t-il sonné les barreaux depuis que vous êtes ici ? »

En termes de prison, sonner signifie éprouver les barreaux d’une cellule à l’aide d’un léger coup de marteau. Le fer intact rend une vibration pleine ; mais si