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« Si c’était ici la case de l’Habit-Noir ? prononça-t-il tout bas et d’une voix qui tremblait. Ce serait trop de chance ! »

La tête passa hors du trou, puis les épaules, — péniblement, car l’homme avait une puissante carrure. Dès que les deux mains eurent touché le sol, l’homme se trouva debout. Nous eussions reconnu alors, malgré sa tête rase et la barbe touffue qui envahissait jusqu’à ses yeux, Étienne Lambert, le cabaretier-logeur du cul-de-sac Saint-Claude. Il portait en effet la houppelande courte, le gilet rouge et le pantalon de futaine que nous lui vîmes, dans la soirée du 14 juin, quand M. Lecoq vint le chercher dans son taudis.

Son regard fit le tour de la cellule. Le grabat où dormait André était dans le noir. Le rayon de lune qui passait au-dessus le laissait complètement invisible.

« Personne ! » dit Lambert.

Il marcha jusqu’à la croisée dont la baie s’ouvrait à huit pieds du sol. Il pensait :

« L’Habit-Noir avait donné dix traits de lime ; il y a ici trois barreaux dans la hauteur, deux dans la largeur. C’est juste le compte ! »

C’était juste le compte : deux fois cinq : dix traits de lime. L’espoir, repoussé tout à l’heure, arrivait presque à la vraisemblance.

L’espoir marche vite, en avant ou en arrière. En une seconde, le malheureux qui se noie peut espérer et désespérer cent fois.

Étienne Lambert se noyait. Il avait reçu, la veille au soir, notification du rejet de son pourvoi, et le roi n’avait pas voulu lui faire grâce. Il savait les usages. On guillotine au petit jour ; le jour est encore matinal au mois d’août, et il faut les préparatifs. L’aumônier des prisons lui avait fait une visite.