Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome I.djvu/157

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ces sauvages de notre civilisation sont prudents au milieu même de leur audace. Le cri de joie qui saluait la lune, c’est-à-dire le dehors, l’espace, la liberté, avait jailli de lui-même, mais ce fut l’affaire d’un instant. Notre homme n’était pas au bout de sa peine, il le savait, bien qu’il ne mesurât pas du premier coup toute la vanité de ses espoirs.

La tête avança avec précaution hors du trou et se pencha comme on fait pour sonder le vide. Évidemment, ce premier regard voulait mesurer une vaste profondeur ; il se heurta à la dalle éclairée et l’homme devint pâle.

Il releva les yeux ; il vit seulement alors qu’entre lui et la lune qui venait de l’éblouir, il y avait une fenêtre, fermée par des barreaux de fer.

Un blasphème sourd sortit de sa gorge. Le sang lui monta au visage.

« Chien de sort ! grommela-t-il ; je n’ai fait que changer de cage ! »

Les veines de son front se câblèrent, pris qu’il était d’une colère folle. Puis la pâleur revint plus terreuse à ses traits que le découragement affaissait.

« N, i, ni, c’est fini ! dit-il encore. D’ici deux heures, je n’ai pas le temps de percer l’autre muraille ! »

Il fit un mouvement pour se retirer. Sa face peignait l’angoisse de la bête fauve acculée. Au moment où il allait disparaître dans l’ombre du trou, l’homme sembla se raviser ; un effort brusque remit sa tête au niveau de l’ouverture, en pleine lumière, et ses yeux élargis s’attachèrent fixement sur les barreaux même de la lucarne.

L’espoir naissait, un grand et subit espoir ; sa bouche épaisse eut comme un sourire, et des gouttes de sueur brillèrent à ses tempes.