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autrefois une demande de crédit qui eût mis Cotentin à même de contracter un joli mariage. Cotentin gardait rancune. On voit des assurés qui mettent le feu à leur maison pour avoir la prime : M. Bancelle avait dévalisé sa propre caisse !

Ça et ça ! comprenez bien ! Une pareille machination n’est pas partout invraisemblable. Cotentin avait un homme à sauver, en définitive…

André Maynotte se leva et affirma que les quatre cent mille francs étaient dans la caisse du banquier. Il les avait vus.

Cotentin avait compté là-dessus. Son effet était tout prêt : mais je ne sais qui prononça le mot : comédie.

Or, si la défiance, cette chère denrée, manque jamais au marché, là où vous serez, faites un tour en Normandie. L’effet rata, selon la propre expression de Me Cotentin de la Lourdeville.

Il resta acquis que l’avocat et l’accusé s’étaient entendus, les deux gaillards !

On leur en sut gré, au point de vue de l’art.

Mais quand, à la fin de son plaidoyer, l’avocat bas-normand, arrivant à l’émotion obligée, représenta son client comme un pauvre agneau, dominé, subjugué, mené par une femme ambitieuse et perverse, André Maynotte lui imposa silence avec tant d’énergie qu’un frisson monta de l’auditoire au banc des jurés. Autre effet manqué. Celui-là n’était pas un enfant qui se laisse conduire.

M. Cotentin put s’écrier dans le couloir :

« Je l’aurais sauvé s’il avait voulu ! Et sans alibi ! Rien qu’avec ça et ça ! »

André Maynotte avait vengé sa femme insultée.

Le rayon de lune, qui, maintenant, glissait sur son visage, allait frapper la muraille juste à l’endroit où