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Les bruits de la ville venaient avec la voix du vent qui jouait dans les peupliers de la plaine. On n’entendait que cela. Par intervalles, pourtant, un murmure sourd s’élevait, chant monotone et enroué qu’une sorte de frottement régulier semblait accompagner.

Le frottement était si voisin que le regard d’un étranger se fût porté involontairement vers la partie de la muraille qui était en face de la croisée ; si voisin, qu’après avoir examiné, on se fût étonné de voir intactes les larges pierres de taille du cachot.

Ainsi arrive-t-il souvent dans les vieilles maisons de campagne, quand on écoute le travail invisible d’une souris, cachée derrière un lambeau de tapisserie.

Mais ici, point de tapisserie. La pierre grise était nue.

André Maynotte n’écoutait ni les murmures du dehors, ni ces bruits plus prochains qui semblaient sortir de la pierre. Sa méditation l’absorbait. Deux fois il mouilla sa plume et deux fois l’encre sécha.

L’horloge du Palais sonna huit heures.

André Maynotte poussa un long soupir et laissa tomber la plume.

« J’ai tout dit ! » prononça-t-il à voix basse, sans savoir qu’il parlait.

Il se leva et gagna son pauvre lit d’un pas plein de fatigue. Ces quelques jours l’avaient vieilli de dix ans.

Quand il se fut couché tout habillé, ses yeux restèrent grands ouverts et fixés dans le vague.

Neuf heures du soir sonnèrent ; la nuit était noire ; puis dix heures. André Maynotte dormait dans la position qu’il avait prise. Sans le souffle lent qui agitait faiblement sa poitrine, on aurait dit un mort.

À onze heures, le gardien ouvrit la porte et visita le cachot. André Maynotte ne s’éveilla point.