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« Quelle invention ! Il y a longtemps que la Cour d’assises n’avait été si divertissante ! »

Je le regarde, moi aussi. C’était lui qui complétait notre petite fortune ; c’était lui qui allait exaucer tes souhaits et te donner Paris…

On se bat à la porte pour entrer. Ce matin, tout l’auditoire a frémi et presque applaudi, quand M. Bancelle a murmuré de sa pauvre voix si changée :

« C’est peut-être moi qui lui ai donné l’idée du brassard ; je lui en ai proposé mille écus, parce que j’avais comme un pressentiment. Et c’est moi qui lui ai montré les quatre cent mille francs qui étaient dans ma caisse ! »

M. Bancelle était fier autrefois ; les gens de Caen ont été durs envers lui depuis sa chute, mais la Cour d’assises est le spectacle. Les crocodiles y pleurent. Le président a été obligé d’arrêter les malédictions qui tombaient sur moi de toutes parts.

Mme Bancelle a suivi son mari. Elle est enceinte. Elle fut bonne pour toi autrefois ; elle l’a rappelé. Tu as été maudite.

Toi, Julie ! Je te dis que cet homme a mérité la mort.

Il est venu cinquante-deux témoins. Chacun d’eux avait quelque chose de vrai à dire, et tout ce qu’ils ont dit est contre moi. Je cite un exemple : le mercier qui demeure en face de M. Bancelle a déclaré m’avoir vu, la veille du crime, regarder attentivement la fenêtre par où le voleur s’est introduit. Cette fenêtre est celle du boudoir de madame, et M. Bancelle m’avait chargé, le jour même, de lui trouver des vitraux pour l’orner.

J’ai répondu cela. L’auditoire a souri avec admiration. Je passe pour un scélérat bien habile !

9 août. — Aujourd’hui, j’ai souffert le martyre. J’ai entendu le réquisitoire et le plaidoyer de mon avocat.