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Un soir, il y a de cela deux semaines, je sentis mon cœur battre. Comment dire cela ? l’émotion qui me tenait, poignante et brûlante, me rappelait les premiers tressaillements de mon amour. Ici comme là, il y avait de l’angoisse et de la volupté. Mon idée naissait, l’idée fixe qui me montre notre ennemi préparant notre ruine. J’ai hésité avant de comparer ma haine et mon amour, mais c’est que tout mon amour est dans ma haine. Cet homme m’a séparé de toi.

Ce que j’appelle mon idée, Julie, c’est la vengeance de notre pays corse. Elle me tient ; elle n’a pas grandi depuis le premier moment, car elle emplissait déjà tout mon cœur. Mon cœur serait trop étroit pour deux amours ; il n’y faut que toi seule, et tu y gardes toute la place. La haine est entrée dans les pores de mon amour comme deux liqueurs se mêlent dans le même vase. C’est pour toi que ma justice à moi a jugé cet homme et l’a condamné.

Que ce soit demain ou dans vingt ans, la sentence sera exécutée.

Je le chercherai, je le trouverai, je l’écraserai.

8 août. — Ils ont témoigné contre moi. Aucun d’eux n’a menti. M. Schwartz, le commissaire de police, a dit qu’il nous avait rencontrés à onze heures du soir ; le père Bertrand, l’allumeur, a raconté l’histoire du banc ; M. Bancelle, lui-même, et si tu savais combien d’années le malheur de quelques jours peut accumuler sur la tête d’un homme ! M. Bancelle, que j’ai eu peine à reconnaître, a rapporté notre conversation au sujet du brassard.

Il est là, figure-toi, le brassard, et chacun le regarde ; il est là parmi les pièces de conviction. Les gens se le montrent du doigt et l’on chuchote. C’est la partie mystérieuse et curieuse de l’affaire. On chuchote :