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6 août. — Courage ! m’a dit M. Cotentin ; j’ai mes effets ! ça et ça ! ils ne s’attendent pas au moyen que j’ai trouvé. Ils éloignent de la magistrature les gens véritablement capables. Ils verront de quel bois on se chauffe !

J’ai voulu connaître ce fameux moyen qu’il a trouvé. Impossible !

Je me suis informé aussi pour mon voisin. On le laissera dans sa cellule actuelle, jusqu’à ce qu’il soit statué sur son recours en cassation.

C’est demain qu’on me juge. Courage, en effet, courage !

7 août, au soir. — Je sors de l’audience. Je ne suis pas malade. Tout s’est passé comme je l’avais prévu, exactement, rigoureusement. L’acte d’accusation est terrible par sa modération même. C’est dans cet acte qu’on voit bien l’homme, l’inconnu, le démon qui m’a choisi comme bouc émissaire, afin de donner le change à la justice. Oh ! celui-là n’en doit pas être à son coup d’essai ! Il est passé maître ! Je dis qu’on le voit. Moi, du moins, je le vois, je le suis, je le touche. Chacune de ses ruses m’est apparente. Il me semble impossible que cette œuvre de mensonge ne se trahisse pas aux yeux de tous.

Mais c’est le contraire qui arrive. On ne croit plus au démon. Je suis là, pourquoi chercher plus loin ? Il s’est mis dans ma peau, car je ne puis exprimer autrement ma pensée, et il m’a incarné dans son crime. Il est loin, je suis là. Personne ne voit que moi.

Je suis le fils de cette sombre terre où la vengeance est une religion. Chose singulière, jamais une pensée de vengeance n’était entrée en moi. Je portais une arme, là-bas, en Corse ; c’était pour te défendre. Pour te défendre, j’aurais tué, certain que j’étais de mon droit ; mais, le danger passé, ma haine était morte.