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« Mais, ajoute-t-il, ce n’est pas un plaidoyer. Pour un plaidoyer, il faut des choses palpables, des faits : ça et ça ! »

Il est jaloux du ministère public et se voit prononçant le réquisitoire.

Mais tout est donné à la faveur ! L’avocat général est le neveu d’une dame qui a été en pension avec la cousine du professeur de piano d’une nièce de l’ami intime de M. Martignac. Ça et ça ! Allez donc contre ça ! et ça !

Je ne sais pourquoi l’approche de la session me donne une confiance extraordinaire. Tous les soirs, je m’endors en songeant au jury. Les jurés sont des hommes choisis parmi les meilleurs de la cité. Quelle admirable institution ! Je te reverrai, Julie.

25 juillet. — M. Cotentin de la Lourdeville essaye depuis dix ans d’entrer dans la magistrature. Il m’a confié que l’injustice du pouvoir allait le jeter dans l’opposition. Il le déplore. Aveugle pouvoir ! Et puis ça et ça ! Il vient de me communiquer la liste du jury pour nos récusations. J’ai un jury excellent : tous honnêtes gens, la plupart commerçants. Je ne vois pas une seule récusation à faire.

On dirait que le travail de mine de mon voisin l’assassin est dirigé du côté de ma cellule. Le mur doit être singulièrement aminci entre lui et moi, car je l’entends chanter maintenant. Son avocat est M. Cotentin de la Lourdeville. Il a un alibi.

28 juillet, mercredi. — La session est ouverte. M. Cotentin n’est pas venu : il plaide ; mon voisin n’a ni travaillé ni chanté ; il est au palais ; son affaire ouvre la session. J’ai la fièvre. Je viens septième. Ce sera pour le 8 ou le 9 août.

Six heures du soir. — Le voisin rentre. Il chante.