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vieux prêtre atteint de démence les vases sacrés qu’il était accusé d’avoir dérobés dans l’église de Sartène.

La légende de la Pie Voleuse a des milliers de variantes, et je ne sais pourquoi j’allais cherchant à savoir tout ce qu’on a écrit et dit, depuis le commencement du monde, sur les erreurs judiciaires.

Tu étais bien jeune, et pourtant tu dois te souvenir de cette belle tête blanche qu’avait le vieux Jean-Marie Maddalène, l’avocat des pauvres. C’est une grande et noble chose que la fonction de l’avocat. Mon défenseur, M. Cotentin, ne ressemble pas beaucoup à Jean-Marie Maddalène, mais ce n’est pas non plus un homme sans intelligence : c’est un petit homme.

Pouvais-je ne pas lui dire mon idée ? Je la dis aux murs de ma prison. Il m’a écouté sans trop d’impatience, chantonnant parfois et se faisant les ongles avec des cartes de visite dont les angles lui servent à cela.

« Un coup de marteau ! m a-t-il répondu paisiblement ; un petit coup de toc ! On pourra plaider la folie.

— Mais je ne suis pas fou ! me suis-je écrié.

— Parbleu ! l’histoire du brassard le prouve bien, mon garçon. Mais cette imagination du fantôme qui travaille à votre place, laissant tout sur votre dos, est bonne à noter. En somme, nous ne sommes pas trop malheureux : il y a de l’effet à faire dans tout ça. C’est original en diable ! Et la belle Maynotte met là-dedans le quantum sufficit de romanesque… Nous dirons ça et ça, et puis ça… »

Il a sauté sur ses pieds en se frottant les mains, et je pense qu’il court encore.

23 juillet. — Ça-et-ça vient de revenir. La session commence mercredi. Il prétend qu’on ferait un roman avec mon idée.