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sation et l’on introduira près de moi le défenseur, nommé d’office, qui doit m’assister devant la cour.

Je sais son nom, c’est M. Contentin de la Lourdeville, un jeune homme presque mûr, assez riche, apparenté solidement et qui veut se hisser.

Il n’a pas la réputation d’être aussi éloquent que Mirabeau. Mon ami Louis ricane en parlant de lui et l’appelle Ça-et-ça. C’est, à ce qu’il paraît, son sobriquet au palais. Le choix de mon défenseur m’importe peu. Moi seul pourrais plaider ma cause, si l’usage le permettait et si j’avais le don de la parole.

L’homme travaille toujours à côté de moi. Il ne sait pas qu’il a un confident.

20 juillet. — L’homme a fait des progrès depuis que je suis ici. On entend bien plus distinctement le bruit du métal qui gratte la pierre. Je ne sais pourquoi je m’intéresse à son œuvre avec tant de vivacité. C’est un vulgaire assassin ; il a tué de sang-froid, pour quelques centaines de francs que le messager de Fécamp portait dans sa sacoche, mais si Louis est bien informé, voici une chose surprenante : ce malheureux, dont le cabaret sale et pauvre ne s’ouvrait qu’à des escrocs de bas étage, à de véritables mendiants, avait en sa possession une somme considérable en or et en billets de banque.

Je cherche l’affaire Bancelle partout. L’or et les billets de banque de la caisse Bancelle ont dû être cachés quelque part. Je voudrais voir cet homme.

22 juillet. — À trente pas en dehors de ma porte fermée j’ai reconnu M. Cotentin de la Lourdeville que je n’avais jamais vu. D’ordinaire, je distingue le pas de Louis à une bien plus grande distance ; le pas de Louis est du peuple ; avec le pas de Louis, il y avait aujourd’hui un pas pédant, solennel, dandiné, prétentieux. Les souliers avaient ce cri des canards de bois qu’on