Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome I.djvu/140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans son forfait comme on lie un malheureux, surpris à l’heure du sommeil…

16 juillet. — Ma fièvre va tous les deux jours maintenant. Je sens la guérison venir. Je suis très calme. Je comprends qu’il soit difficile d’admettre cet échafaudage de raisonnements, reposant sur une hypothèse. J’en suis toujours à mon idée, Julie, ma pauvre femme. Hier, c’était ma fièvre : l’idée était si nette à mes yeux que je ne concevais plus la possibilité du doute.

Mais fais donc réflexion : ils ont le coupable sous la main, tout paré des preuves qui le condamnent. Par quelle aberration, abandonnant sa proie pour l’ombre, la justice irait-elle poursuivre un feu follet, un démon comme dit M. Roland, un être invraisemblable et fantastique ?

Et pourtant, tout est étrange dans cette cause. Cela devrait mettre en garde ces esprits pleins de clairvoyance et d’expérience. Puisque la combinaison même du crime est ingénieuse jusqu’au romanesque, selon les propres expressions du conseiller instructeur, pourquoi s’arrêter au beau milieu du roman ? Celui qui a eu la pensée de laisser mon brassard dans les griffes de la machine a pu, a dû avoir aussi la pensée de me laisser moi-même entre les serres de la justice.

Ma tête est bien faible encore. Cette idée devient fixe et me rendra fou.

J’en ai parlé à Louis, qui m’a répondu : « J’ai ouï parler de ce truc-là. On disait que l’Habit-Noir en mangeait. »

Je ne l’ai donc pas inventé ! C’est un truc, comme on dit au bagne et au théâtre, une formule mécanique, un procédé connu, employé…

Oh ! que je suis seul, mon Dieu ! Que tu me manques douloureusement, Julie ! Il semble que je sois, au