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— Me demander une place dans ma charrette ? interrompit Lecoq.

— Oui…

— Fui !… Eh Bien ! n’osez pas, Jean-Baptiste, hé !… nous allons causer tout à l’heure, bonhomme : j’ai d’autres projets sur vous, pour le moment. »

Une expression de défiance envahit de nouveau les traits de notre Schwartz, qui murmura :

« Vous savez, monsieur Lecoq, je ne suis qu’un pauvre garçon…

— Bien ! bien ! Nous allons causer, vous dis-je. On prend l’engagement formel de ne pas exiger de vous, seigneur, l’invention de la poudre à canon. »

En parlant, il faisait sa toilette, changeant son habit de ville contre un costume de voyage. Quand la servante vint avec les plats, il ouvrit sa malle à grand bruit.

« Partant pour la Syrie, s’écria-t-il, je veux payer ma note. Qu’on me l’établisse au plus juste prix, jeunesse, hé ! sans oublier que je jouis de la remise du commerce… Et de l’avoine à mon coursier !

J.-B. Schwartz n’était pas peut-être le roi des observateurs ; cependant, il voyait clair, et il lui parut que M. Lecoq posait solidement son départ, comme on dit en termes de métier théâtral. Il devint attentif ; et, certes, à supposer que M. Lecoq voulût jouer vis-à-vis de lui une comédie, l’auditoire était surabondamment en garde.

Mais cela ne servait à rien avec M. Lecoq, qui était, nous allons bien le voir, un tacticien très original et de première force.

« As-tu vu l’enseigne ? demanda-t-il brusquement en prenant place à table. Au Coq hardi. C’est ce qui a déterminé mon choix, hé ! Jean-Baptiste ? Je suis Lecoq