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sout et échappant à toute pétition de principe, nous avons tourné vers eux l’œil de la justice. L’un, le plus important, voyageur du commerce, qui a vendu la caisse à M. Bancelle, était absent de Caen à l’heure du crime ; M. le commissaire de police a connaissance personnelle de son alibi. L’autre, jeune homme nécessiteux, à la recherche d’une place, avait demandé asile pour la nuit à ce même fonctionnaire, ce qui exclut toute idée d’expédition nocturne ; l’autre… Tenez, Andréa Maynotti, voyez la différence : pendant que votre femme se cache comme si la terre se fût ouverte pour nous la dérober, l’autre a repris sous son vrai nom, le chemin de Paris, où il vit, sous son vrai nom encore, dans une condition modeste et très voisine de la gêne. Celui-là, je vous l’affirme, moi qui m’y connais, n’a pas emporté de chez nous quatre cent mille francs… D’ailleurs, comprenez bien : nous ne sommes ni la cour ni le jury, nous sommes l’instruction : vous aurez des juges. »

Ce fut tout. Et c’est de là que l’idée naquit, puis grandit, puis devint l’obsession de ma fièvre.

Ma fièvre donna un corps à l’idée : elle vit un homme, l’homme de l’alibi, — ou l’autre, le chercheur de places qui était à Paris, — entrer avec préméditation dans mon magasin, le soir du crime, et voler le brassard, non pas seulement comme instrument tout particulièrement propre à la perpétration du vol, mais aussi, mais surtout, comme arme défensive contre le châtiment.

Cet homme se glissait dans l’ombre de ma pauvre maison. Il souriait ; il était sûr de son fait ; il emportait de chez nous bien plus que le produit du crime, il emportait l’impunité.

Il ne faut qu’un coupable. Cet homme me garrottait