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mari d’une honnête femme ! Et si c’est assez dire pour moi, cela ne suffit pas pour elle. Ma femme…

— On assure qu’elle a des goûts de luxe au-dessus de son état, » m’interrompit-il.

Puis il me demanda, après avoir consulté sa montre :

« André Maynotte, refusez-vous de reconnaître ces fausses clefs ? »

Je refusai. Sur un signe, le greffier fit à haute voix lecture de l’interrogatoire que je signai. M. Roland se retira. Le greffier me dit :

« Elle aura de quoi s’acheter des fanfreluches et des perles aussi, là-bas ! »

Il n’y a qu’un pas du palais à la prison. Je fus écroué au secret.

Quand je me trouvai seul dans ma cellule, une sorte d’hébétement me prit. Les événements de ces quarante-huit heures passèrent devant mes yeux comme un rêve extravagant et impossible. Je faisais effort pour m’éveiller. À chaque instant, il me semblait que j’allais entendre ta douce voix qui chassait loin de moi le cauchemar, cette saison où j’eus la fièvre lente. J’attendais ton cri secourable :

« André ! mon André ! je suis là ! »

Tu étais là ; c’était ma maison. Mon premier regard tombait sur les rideaux blancs qui entouraient le petit berceau. Je sortais de je ne sais quels dangers horribles, mensonges de ma fièvre, pour rentrer avec délices dans la réalité qui était le bonheur.

Mais aujourd’hui, j’eus beau appeler le réveil, il ne vint pas, désirer ta voix, elle ne se fit pas entendre. Il n’y avait ni songe ni mensonge. J’étais ici à ma place tout au fond de mon désespoir.

Tu étais là, pourtant, toujours là, ange qui présides à mes douleurs comme à mes joies. Dans la nuit de