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« Puisque je retrouve un ami si fidèle, et que la table d’hôte est en train depuis une demi-heure, servez deux festins à quatre francs par tête dans ma chambre… Et distinguez-vous, hé, mon cœur ! »

Il fut récompensé par le sourire sans dents de l’hôtesse.

« C’est ici que je respire, quand je viens à Caen, poursuivit-il en montant les marches déjetées de l’escalier. On m’y donnerait les ardoises du toit à crédit. Mais je n’en ai que faire, hé, bonhomme ! Prenez la peine d’entrer. »

J.-B. Schwartz entra sans résistance, cette fois. L’odeur des casseroles avait agi sur la partie sensuelle de son individu. Je ne sais quel vague écho des récentes paroles de Lecoq chantait autour de ses oreilles : « Le jeu, le vin, les belles ! » Le jeu, néant ; mais il ne détestait pas le vin, et, quoiqu’il eût les vertus de la misère circonspecte, la pensée d’aimer mettait son âme en moiteur.

Ces gens d’Alsace ont beau être tardifs, vienne l’août, ils bourgeonnent.

C’était une chambre d’auberge, laide et malpropre. À peine entré, M. Lecoq se précipita vers l’escalier et cria d’une voix retentissante :

« La fille ! papa Brulé ! maman Brulé ! »

Et quand on eut répondu :

« Mon carrosse pour huit heures ! militaire ! Il faut que je sois à Alençon demain matin ! »

En revenant vers son convive, il ajouta négligemment :

« La maison Berthier me passe un cabriolet et un cheval, hé ?… Et dans cette saison, je circule la nuit pour ne pas me gâter le teint.

— Si j’osais… commença J.-B. Schwartz d’un ton insinuant.