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Mais je crois qu’elle disait cela à ce rousseau d’Éliacin.

L’adieu de Madeleine fut ainsi :

« Quand même vous seriez fautifs de ceci ou de cela, le fiot n’est pas cause ! »

Je couchai, cette nuit, dans le bureau de police, gardé par trois gendarmes. Tu roulais vers Paris. Chaque fois que l’horloge sonnait, car j’entendis toutes les heures, je pensais :

« Elle a fait deux lieues. »

Cette voiture, c’est encore Caen. J’attendais le moment où je pourrais me dire : « Elle est hors de cette diligence et plongée au plus profond de Paris, qui est grand comme la mer. »

Si grand qu’il soit, dès que je serai libre, oh ! je saurai bien t’y trouver ! Il me semble que j’irais droit à toi dans la nuit même, comme les Mages allaient à Bethléem. Notre amour a son étoile.

Le lendemain, dès le matin, je fus conduit sous escorte au palais de justice. La ville était encore déserte ; il n’y eut pour m’insulter que de rares passants. Sais-tu à quoi je pensais ? à ces Bancelle, qui étaient si heureux ! À toutes les invectives qu’on me lançait se mêlaient des injures contre M. Bancelle.

« Il est ruiné, disait-on, et sa ruine rejaillit sur cent familles ! »

C’était un honnête homme ; sa femme avait de la hauteur, mais elle se montrait charitable ; et te souviens-tu de ses beaux enfants ?

Au palais, je subis le premier interrogatoire légal. Le conseiller instructeur, M. Roland, me demanda l’emploi de mon temps dans la nuit de la veille. Je répondis que j’avais dormi dans mon lit. Le greffier secouait la tête et souriait discrètement.