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duisait habilement ces trois prétérits et laissait percer un légitime espoir d’avancement. Il était désormais le créancier de la société.

Du reste, il ne me fit subir aucun mauvais traitement et imposa plusieurs fois silence à sa femme, qui ne pouvait se consoler de la fuite de la coquine. La coquine c’était toi.

Madeleine avait perdu sa fierté. Une fois passé le premier mouvement de colère, elle s’était accotée dans un coin. Neuf paysannes sur dix auraient pris la clef des champs à sa place, mais c’est une digne femme. Malgré sa frayeur et le peu de fond qu’elle fait assurément sur notre innocence, elle resta fidèle à son mandat.

« Mon commissaire, dit-elle avec une humble fermeté, le fiot n’est pas cause. Je vas l’emporter à la maison. »

Il y eut conseil. Mme Schwartz était d’avis qu’on la chargeât de fers jusqu’à ce qu’elle révélât la retraite de la coquine ; mais M. Schwartz fit observer que la mère essayerait bien quelque jour de se rapprocher de son enfant, et qu’alors…

Souviens-toi de ce que tu m’as promis, ma Julie. Je t’ai confiée à toi-même et je n’ai que toi. L’enfant est en sûreté, je te réponds de lui. N’essaye pas !

Ce ne sont pas de méchantes âmes, pourtant. Devine où notre petit avait passé la journée ? Chez le commissaire, avec Mme Schwartz, qui l’avait comblé de sucreries et de caresses. Je l’ai vu sur ses genoux. Quand Madeleine est partie, Mme Schwartz a embrassé notre cher enfant, et ses yeux me semblaient moins dépareillés, car j’y voyais briller une larme.

« Ah ! si c’était à nous ! » disait-elle.

Ils ont un fils pourtant.