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La voix aiguë de Mme Schwartz perçait comme une vrille ce vacarme confus. C’était elle qui disait : « Liez, garrottez, enchaînez ! » Je ne saurais nombrer combien de cordes on me mit autour du corps. Quand tout fut fini, elle arriva avec la chaîne du puits et me la fit serrer autour des jambes en grommelant :

« Ça fait des yeux en coulisse à tout le monde ; ça se coiffait en cheveux ; ça attirait tous les galouriaux de la ville ! »

C’était toi, ma pauvre femme, qu’elle garrottait et qu’elle accablait. Tu étais trop belle ! Elle me punissait de ta beauté.

Je n’avais pas prononcé une parole. On me jeta comme un paquet dans le bureau d’Éliacin, où on me laissa couché sur le carreau. Le tumulte était à son comble : chacun se vantait bruyamment de la part qu’il avait prise à la victoire, et la servante répétait avec triomphe :

« Un peu plus, je l’embrochais comme un carré de veau ! »

L’arrivée de M. Schwartz mit fin à l’orgie. Il revenait du cirque Franconi à son heure ordinaire. L’hymne des vainqueurs l’effraya comme une émeute. Il renvoya la foule, gronda sa femme et me fit enlever les trois quarts de mes liens. Avec le quart restant, on aurait garrotté trois hommes dangereux.

Éliacin fut chargé de rédiger un rapport constatant que j’avais été arrêté armé jusqu’aux dents. La maison était en fièvre. M. Schwartz m’interrogea, et je vis bien qu’il avait grand’peine à ne pas se prendre pour un héros. Le message qu’il envoya au parquet avait la courte emphase d’un bulletin du Moniteur en temps de guerre. Veni, vidi, vici, écrivait César, premier inventeur des bulletins : la dépêche de M. Schwartz tra-