Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome I.djvu/124

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

temps je montai l’escalier du commissaire. Je poussai la porte. M. Schwartz était absent, mais Éliacin, dont la toilette me parut être un peu en désordre, tenait un fleuret boutonné à la main ; la servante avait une broche, et Mme Schwartz portait une paire d’énormes pistolets.

« Je viens parler à M. le commissaire de police, dis-je.

— Feu ! s’écria Mme Schwartz, folle de terreur. Il va m’assassiner. Je vous ordonne de faire feu ! »

Fort heureusement, son bataillon n’avait que des armes blanches, et elle ne songeait point elle-même à décharger ses deux pistolets ; sans cela, mon heure avait sonné. Je croisai mes bras sur ma poitrine, après avoir détourné la broche dont la servante me portait vaillamment un coup en plein visage. J’ouvrais la bouche pour déclarer que je renonçais à toute résistance, quand notre ami le palefrenier, me prenant par surprise, noua ses deux bras autour des miens par derrière. Dix personnes se jetèrent sur moi aussitôt, et je fus terrassé, presque étouffé.

J’entendais qu’on disait :

« Ah ! le coquin !

— Ah ! l’enragé !

— Il aurait fait la fin de quelqu’un !

— Des pistolets plein ses poches !

— Et pas d’argent !

— Où sont les quatre cent mille francs !

— Cet autre filou de Bancelle prendra cette occasion de faire faillite !

— Et tout le moyen commerce de Caen est ruiné du coup !

— Ah ! l’enragé ! ah ! le coquin ! ah ! le bandit ! Liez, garrottez, enchaînez. Il faut le garder vivant pour le voir à la guillotine ! »