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joie-Saint-Denis les noms de son avocat, de son avoué et de son huissier.

La force appelée était là ; elle n’avait pas loin à courir. C’était d’abord la cohue qui nous suivait, toujours grossissant depuis les environs de la préfecture ; c’étaient ensuite les gens de notre maison et les voisins qui s’élançaient hors de chez eux en tumulte ; c’était enfin la gendarmerie, doublée de la police, qui sortait de la promenade, car, depuis le matin, le logis n’avait pas cessé d’être cerné.

Je ne connais pas ma vigueur. As-tu oublié cette soirée où les gens du comte Bozzo-Corona, ton cousin de Bastia, voulurent me jeter hors du chemin que suivait son carrosse ? Je n’avais pas dix-huit ans. Il y eut trois valets couchés dans la poussière et la voiture fut renversée au rebord du talus. Je n’aurais pas su dire moi-même comment cela s’était fait. L’insulte avait envoyé du sang chaud à mon visage, et j’avais frappé d’instinct, sans le vouloir, comme on marche et comme on respire. Il y eut ici quelque chose de pareil ; seulement, j’ai pris de la puissance depuis ma dix-huitième année. La foule, les voisins et les gendarmes se ruèrent sur moi tous à la fois. J’étais là pour me livrer prisonnier, mais je n’avais pas deviné une semblable attaque ; elle me surprit et je la repoussai malgré moi. Il y eut des blessés ; j’avais frappé ; un large cercle se fit autour du tilbury.

Madeleine me criait :

« Pas les gendarmes ! ne touchez pas aux gendarmes, monsieur Maynotte : c’est sacré, ça ! »

Puis elle ajoutait, fière et heureuse :

« Ah ! c’est un gars, celui-là ! Ne faut pas le tutoyer, sarpejeu ! »

J’entrai sous la voûte qu’on venait d’ouvrir, et d’un