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sans d’Argence, l’homme et la femme ? Dès ce temps-là, je me disais : cela peut tomber sur nous. C’est comme la foudre. Et dès ce temps-là, dans ma pensée, je t’abritais contre la foudre.

Ma-raison me criait : tu es fou. Peut-être étais-je fou, car ce qui est arrivé chez nous touche à l’impossible. Mais, encore une fois, Dieu soit loué, j’étais prêt ; j’avais prévu l’impossible, et tu es sauvée !

Elle était belle, cette pauvre jeune paysanne. Quand je t’ai vue déguisée en paysanne, le soir de ton départ, il m’a paru que tu lui ressemblais. Le mari avait l’air doux et triste. Tout était contre eux, excepté mon cœur qui me criait : ils ne sont pas coupables.

Le mari est au bagne, la femme en prison : tous deux séparés l’un de l’autre pour toujours !

Julie, je n’irai pas au bagne. Il y a des moments où je me sens la force de terrasser dix hommes. Est-ce la fièvre ? Je ne crois pas que ce soit la fièvre…

… Mon juge est venu avec son greffier. C’est la sixième fois. Je me défie de Louis, car M. Roland a vu de l’encre à mon doigt, et il a souri.

C’est encore un jeune homme. L’étude a fatigué ses yeux et pâli sa joue. Il est marié depuis cinq ans ; depuis quatre, il est père. Une fois, comme il entrait, mon gardien lui a demandé des nouvelles de sa femme, et à la façon dont il a répondu, j’ai vu qu’il l’aimait.

C’est lui qui portait la parole dans l’affaire des époux Orange. Il n’était alors que troisième avocat général. On disait qu’il irait loin, et ce procès lui fit honneur. Cependant, il y a au pays d’Argence une bête féroce qui se vante d’avoir tué le vieil homme.

Il est doux, je le crois bon. Il apporte un soin extrême à savoir, mais à savoir que je suis coupable. Sa