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du dehors ne pénétrerait dans la tombe où tu mourrais vivante ; je me trompe : un écho sinistre viendrait, je ne sais d’où ni par où, et cette voix en deuil dirait à ton sommeil comme à tes veilles : tu seras condamnée ! Point de défenseur, nul conseil, le blocus de l’esprit, la famine appliquée à l’âme !

Mon bien aimé amour, ton absence est ma consolation et ma force. Tu es libre, tu resteras libre : tant qu’ils n’ont que moi, la moins chère moitié de mon être, je suis comme un prisonnier dont l’âme privilégiée aurait le don de s’élancer au dehors dans les joies de la liberté.

Il faut un coupable, n’est-ce pas l’évidence ? Et que dire à la loi ? Le crime endurci raillerait la miséricorde. Que serait une loi, chargée de museler les bêtes féroces et qui laisserait échapper un tigre, de peur de serrer trop fort ? La loi ne deviendrait-elle pas complice du tigre et des orgies de carnage qui célébreraient sa fuite ?

Je ne suis pas révolté contre la loi, non ; sa raison d’être me saute aux yeux : on la fit contre les tigres. Ses armes conviennent à cette terrible chasse. Or, dans les bois, quand le jour est sombre et le fourré épais, n’arrive-t-il pas qu’une balle s’égare et jette bas un passant au lieu du sanglier qui poursuit paisiblement sa route ?

On était là pour le sanglier. Tout ce qui remuait sous bois devait être sanglier. Il fallait un sanglier. Il faut un coupable.

Que venait faire le passant dans cette forêt ? J’ai connu des chasseurs qui donnaient tort au passant, et lui faisaient encore la leçon pendant qu’on l’emportait au cimetière. — Moi, je ne sais comment nous sommes entrés dans la forêt. Te souviens-tu de ces deux pay-