distinction comme son costume abusait des couleurs voyantes, mais ces détails devaient importer peu à notre Alsacien. On est prudent à Guebwiller. Les défiances de J.-B. Schwartz doivent donc nous mettre en garde jusqu’à un certain point contre ce flambant M. Lecoq.
« A-t-on dîné ? » demanda celui-ci au bout de quelques pas.
Schwartz rougit, et ses yeux mobiles se prirent à rouler ; mais il répondit :
« Oui, oui, monsieur Lecoq. »
Le commis-voyageur s’arrêta, le regarda en face, et partit d’un éclat de rire un peu forcé.
« Fui ! fui ! mézié Legog ! répéta-t-il, exagérant l’accent de son compagnon. As-tu fini ! Nous mentons comme un polisson, Baptiste ! Ceux qui vous ont dit, mon ami, s’interrompit-il avec une dignité superbe, que j’ai été remercié chez Monnier frères, en ont menti par la gorge ! On ne remercie pas Lecoq, fils adoptif d’un colonel, entendez-vous ? C’est Lecoq qui remercie, quand les patrons ont le don de lui déplaire. Monnier est une simple crasse. J’avais quatre mille chez lui ; Berthier et Cie m’ont offert cinq mille et mes commissions : emballé !
— Cinq mille et les commissions ! répéta l’Alsacien qui passa sa langue sur ses lèvres.
— Du nanan, hé, bonhomme ? Je ne m’arrêterai pas là… Et pourquoi n’êtes-vous plus chez les Monnier, vous ?
— On a réduit le nombre des employés.
— Je vous dis : des crasses… Combien avais-tu ?
— Trois cents et le déjeuner…
— Au pain et à l’eau… Une baraque… Jean-Baptiste, si j’osais m’exprimer avec franchise, je te dirais que tu es un parfait dindon, une poule. »