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C’est un proverbe fallacieux que celui qui raille les enfonceurs de portes ouvertes.

Votre médecin vous répondra, en effet, que, neuf fois sur dix, à ce jeu, vous vous casseriez la jambe.

Ce n’est pas sans chagrin, il faut l’avouer, que nous déduisons ces fâcheuses paraboles à propos de Julie Maynotte, la suave et noble créature ; mais il faut bien confesser que le jeune ciseleur était un peu dans la position de l’Américain Dawsy et de l’homme qui lancerait un puissant coup de pied dans le vide.

Julie, au lieu de se défendre, avait dit :

« Comment aller à Paris ? Et comment m’y cacher ? »

Et notez que, depuis bien des minutes déjà, elle n’accordait aux naïves éloquences d’André qu’une attention distraite.

Cependant, notre André ne s’évanouit point comme Dawsy et il n’eut rien de luxé dans le cœur.

Non. C’était une âme jeune et vigoureuse, une âme naïve aussi, le mot nous est venu tout à l’heure. Il aimait sérieusement, amplement, saintement, ajouterons-nous, sans souci de la banale emphase. Il y avait en lui du géant, mais de l’enfant. Il ne vit rien que le salut de son idole et il fut heureux.

— Ne te rétracte pas ! s’écria-t-il quand Julie essaya de ressaisir au vol les paroles échappées, ce serait indigne de toi. »

La joue de Julie avait pâli de nouveau, mais elle ne releva pas les yeux.

André reprit presque aussitôt :

« Tu te rendras à Paris par la diligence tout directement et tout paisiblement, fie-toi à moi. Tu y vivras comme tu voudras ; notre argent sera entre tes mains.

Aurai-je le petit ? l’interrompit Julie.

— Non, répondit André, cela ne se peut pas. Ce se-