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quand j’aurai mis à l’abri mon bien précieux, ma Julie adorée, je redeviendrai moi-même, je le sais, j’en suis sûr. Je me défendrai, je combattrai ; il doit bien y avoir quelque lueur pour éclairer ce mystère, je la découvrirai. Ne crains pas que ton absence me nuise ; j’irai franchement, je parlerai net, je dirai : j’ai pris ma vaillance où elle était ; ma femme était ma peur, car je l’aime comme jamais on n’aima ; j’ai retiré de la partie cet enjeu trop lourd et me voici. J’aurais pu fuir comme elle, me voici. Je vous mets au défi de la trouver, mais je réponds pour nous deux, me voici, me voici ! Tant qu’il ne s’agit que de moi, j’ai du courage ; bien plus, j’ai de la confiance. La valeur du dépôt fait beaucoup. Tel qui vous donnerait à garder cent louis d’or ne s’en remettrait qu’à lui-même du soin de veiller sur un diamant de cent mille écus. Tous les écus de la terre, tous les louis d’or et tous les diamants du monde ne sont rien pour moi auprès de ma Julie. Ô juges ! ma vie et mon honneur sont à vous, mais mon amour ne relève que de Dieu, et c’est à Dieu que j’ai confié Julie. »

Il avait la tête haute et ses yeux étincelaient. Julie, au contraire, inclinait son beau front. Ses paupières étaient baissées. À quoi songeait-elle ? André avait été éloquent, et cependant il ne pensait pas encore avoir gagné sa cause. Il cherchait des arguments nouveaux. Julie demanda en soupirant :

« Comment aller à Paris et comment m’y cacher ? »

Il y avait de la rougeur à sa joue. Elle ajouta incontinent, comme si cette parole échappée lui eût fait honte :

« D’ailleurs, je ne veux pas ! Je mourrais de chagrin ! Jamais je n’abandonnerai mon mari ! »