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crié à mes juges imaginaires : Sauvez ma Julie et je vous ferai l’aveu du crime que je n’ai pas commis ! Éloignez d’elle ces gardiens, défendez à cette cohue obscène de la souiller des yeux ! Qu’il ne soit plus permis à ces hommes de traîner son nom béni dans leurs entretiens, à ces femmes d’assouvir leur féroce jalousie et vous saurez tout : je suis sorti de nuit avec mon brassard, fabriqué tout exprès pour forcer les caisses à secret, je suis entré dans la maison Bancelle, comment ? Que vous importe ? Mon brassard n’ouvre pas les serrures, mais sans doute que j’avais des fausses clefs. J’ai deviné les combinaisons de la caisse ; j’ai fait sauter le pêne hors de sa gâche avec un levier, je suppose ; nous autres voleurs, nous savons notre état comme vous êtes ferrés sur le vôtre ; la manivelle a joué quand la caisse s’est ouverte : voilà l’incident curieux, n’est-ce pas ? Mon bras a été pris dans des griffes d’acier ; mais mon bras était recouvert du brassard. J’ai retiré ma main tout doucement ; le brassard est resté, et j’ai emporté les quatre cents billets de banque que Bertrand, l’allumeur de réverbères, m’a vu compter sur le banc des Acacias. »

Il essuya d’un revers de main la sueur qui ruisselait de son front.

Chose singulière ! Julie ne répliqua point. Elle était pensive : je dirais distraite, si le mot n’était cruel.

André ne voyait point cela, entraîné qu’il était par sa passion de convaincre. Il poursuivait son plaidoyer avec ardeur.

« Les pauvres n’ont guère de mérite à être braves, disait-il riant et suppliant à la fois. Que risquent-ils ? Moi, je suis trop riche, j’ai trop à perdre, cela me rend lâche. J’ai demandé à la fuite le temps d’enfouir au moins mon trésor. Quand ma richesse sera en sûreté,