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C’était vrai ; depuis quelque temps, la jolie voisine n’avait plus ses couleurs. Elle maigrissait à vue d’œil.

J’ai mon franc parler. Je dis au patron, la bouche ouverte :

— Vous êtes encore joli homme quand vous voulez, mais M. Reynier est un beau brin de gars tout à fait, et il possède la fleur de l’âge. C’est étonnant tout de même qu’entre vous deux, la petite a choisi le plus vieux.

— Je suis plus jeune que tu ne crois, me répartit le patron qui était presque en colère. Si j’ai perdu la fraîcheur de mon adolescence, c’est l’effet des traverses innombrables et du malheur.

— N’empêche, fis-je encore, qu’il y a bien vingt ans entre vous deux, M. Reynier, par l’apparence, et ça se voit d’autant mieux à l’œil nu que vous avez approchant le même genre de figure, sauf qu’il ne vous pousse pas un poil sur la joue et qu’il a une belle barbe tout soie.

Pour le coup, M. Mora me regarda de travers. Puis ça me sembla qu’il riait tout drôlement pendant qu’il demandait :

— Est-ce que tu trouves vraiment que ce mauvais sujet me ressemble ?

— Comme deux gouttes d’eau, répondis-je, et à votre sœur aussi. Je parie que si on le rasait, ou bien si la barbe vous venait, on pourrait prendre