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fois. Il n’y avait plus ni colonnes d’or, ni amas de pierres précieuses.

Vincent ne s’étonna point de cela. Il savait que le comte Julian, poussant à l’extrême la pensée de son aïeul, avait travaillé depuis trois ans à concentrer, à quintessencier en quelque sorte le trésor. Il savait encore, par le récit de maman Canada, qu’au cimetière, le fantôme, c’est-à-dire le comte Julian lui-même, s’était vanté d’avoir réduit le trésor à une expression si exiguë, que cette énorme quantité de millions aurait pu tenir dans sa petite tabatière russe.

C’était exagéré peut-être ; les mensonges ne coûtaient rien au comte Julian, mais il devait y avoir quelque chose de vrai dans cette fanfaronnade, et Vincent était l’homme qu’il fallait pour comprendre l’étrange espoir du Père-à-Tous, cherchant un moyen mystique et impossible de comprimer cette montagne de richesse, de distiller ce fleuve d’or pour en faire une gorgée qu’on lampe, une pastille qu’on avale ; moins que cela encore, une vapeur qu’on respire, un souffle si subtil que l’âme pût se l’assimiler et l’emporter au-delà du tombeau.

La folie de Vincent Carpentier allait précisément vers ces rêves du delirium aureum.

Il parcourut la cachette d’un long et ardent regard. L’émotion qui l’agitait profondément avait quelque chose de religieux.