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pas l’homme que je suis. J’ai grandi, grandi, grandi ! moi-même, je ne connais plus ma force !

Il passa et ne s’arrêta qu’à cet endroit, bien connu de nos lecteurs, où le vieux mur du jardin Bozzo-Corona faisait face à la maison dont Vincent Carpentier avait loué jadis, sous un nom d’emprunt, le dernier étage.

Aucun changement encore en ce lieu, si ce n’est qu’on avait mis une petite croix au-dessus de la porte du jardin, à cause de la pieuse et nouvelle destination de l’hôtel, occupé par des religieuses.

Vincent leva la tête pour regarder la fenêtre de son ancienne chambre, aux carreaux de laquelle les premières lueurs de l’aube mettaient un terne reflet.

— C’est là ! murmura-t-il avec une émotion grave, c’est la que j’ai vécu de longues nuits de travail, de calcul, d’ivresse. Mon âme se trempait. La vertu de l’or passait en moi à mon insu. Je traversais l’épreuve de la souffrance pour devenir invincible et invulnérable.

Il avait, en songeant ainsi, la sereine fierté d’un vainqueur dès longtemps habitué au triomphe.

Ses yeux interrogèrent les deux bouts de la rue des Moineaux, où personne ne passait.

Il s’éloigna le plus possible du mur et sembla recueillir sa force comme un clown qui va tenter un