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lés près de leurs chefs. À la hauteur de la colonne, et cachés derrière la balustrade, ils restèrent un instant groupés, puis ils se séparèrent de nouveau.

Quelques-uns se dirigèrent vers la rue des Tournelles, d’autres prirent au pas de course le boulevard Bourdon. Vincent se dit :

— Ils veulent me cerner !

Cela le fit rire. Il se redressa de son haut, et sa poitrine se gonfla tandis qu’il ajoutait :

— Les fous ! ils ne savent pas que mon heure est venue. Je ne suis plus moi-même. Le souffle d’or est déjà en moi, et j’ai la force d’un géant. Pourquoi tuer ces malheureux ? Au lieu de les écraser, je vais leur échapper en un clin d’œil par la rapidité de ma course.

Il sauta sur le trottoir de la rue Saint-Antoine et se prit à détaler avec une rapidité vraiment extraordinaire pour un homme de son âge. Dans sa pensée, cette vitesse était triplée, décuplée plutôt. Le délire mettait des illusions plein son cerveau. Il croyait raser le sol comme une hirondelle, les jours d’orage, ou glisser avec la vélocité d’une locomotive lancée à toute vapeur. Il pensait :

— Mon pouls ne bat pas plus fort, mon haleine est tranquille.

C’était là qu’il se trompait du tout au tout. Son souffle haletait dans sa gorge, et son cœur, révolté, soulevait sa poitrine.