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de mine qui gagnait du pain noir à piocher la houille. Il n’y a jamais eu d’histoire si étonnante que la mienne. Allons ! À mon ouvrage ! je suis en retard.

Avant de sauter dans le chemin, il promena encore son regard sur ce champ parsemé de pierres qui avait été la Folie-Regnault. Parmi les moellons blancs, des points noirs se montraient. Vincent eut un sourire gravement orgueilleux :

— J’en tuerai le moins que je pourrai, dit-il ; mais je suis la fatalité : en passant, j’écrase.

Aussitôt que son pied eut touché le sol du sentier, il prit le pas de course, non point pour fuir les ennemis imaginaires ou réels qu’il venait d’apercevoir, mais pour regagner le temps perdu.

Il était en retard. Le jour venait, et pour faire « son ouvrage, » il lui fallait l’ombre et la solitude.

En une couple de minutes il eut atteint la rue de la Roquette, qu’il descendit toujours courant.

La lueur crépusculaire n’était pas encore sensible quand il traversa la place de la Bastille. Il se vantait en lui-même de ne ressentir aucune fatigue et mettait de la fanfaronnade à augmenter sans cesse la rapidité de sa course.

Chemin faisant, il s’était débarrassé de tout ce qui le gênait, son chapeau d’abord, puis ses vêtements supérieurs. Il allait en bras de chemise et tête nue, livrant au vent ses grands cheveux gris que baignait la sueur.