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vais, pensait-il, le coude appuyé sur le bloc qui lui avait servi d’abri, je parie qu’il y a plus de cent coquins échelonnés et à l’affût. Peut-être plus de mille. J’en vaux bien la peine. Quand ils seraient le double et le triple, ils ne m’auraient pas, j’en réponds !

Il reprit, avec l’importante gravité des fous :

— Au premier aspect, il y aurait un moyen bien plus simple, je n’aurais qu’à aller aux douaniers et à leur dire : Réveillez vos camarades, rassemblez-moi cinquante gaillards de l’octroi, ayant bon pied bon œil. La question de savoir si vous perdrez vos places ne signifie rien, car vous n’aurez plus besoin de vos places. Je vous assurerai à chacun vingt-cinq mille livres de rentes, et même davantage. L’argent ne me coûte rien. J’ai tout l’argent de l’univers.

Tout en songeant ainsi, Vincent Carpentier avait quitté son poste et poursuivait sa route d’un bon pas, comme un honnête garçon qui cause avec un rêve. À le voir cheminer le pic sur l’épaule, nul n’aurait, certes, deviné que ce grossier morceau de fer était la clé du plus féerique trésor dont jamais imagination humaine ait exagéré l’opulence.

Vincent avait tour à tour des moments de tranquillité absolue et des crises de soudaine défiance où ses sens violemment éveillés se faisaient subtils comme ceux d’un sauvage. Il écoutait alors le silence qui l’entourait, et les bruits lointains arrivant de la ville centrale. De tous côtés il lui semblait