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— Que Dieu ait l’âme de ma mère, prononça-t-il lentement, après un silence. Ce sont là des souvenirs d’un instant. J’ai d’autres souvenirs, qui sont ceux de toute la vie. J’ai une autre mère, dont je reçus aussi la dernière parole avec le dernier soupir. Celle-là me dit, en me montrant une enfant chérie qui dormait, vaincue par les larmes, au pied du lit d’agonie :

« Reynier, tu vas devenir un homme. Mon pauvre Vincent a été bon pour toi ; rends-lui l’affection qu’il t’a prêtée. Le chagrin conseille mal, parfois : Vincent va rester seul avec son chagrin. Peut-être aura-t-il besoin de toi. Promets-moi de ne jamais l’abandonner. »

Je promis.

Et celle qui avait été la providence de ma jeunesse continua, souriant au milieu de son martyre :

« Reynier, moi aussi, j’ai fait de mon mieux avec toi. Tu as souvenir de ma tendresse, aime ma fille, protège-la. Tu l’aimes déjà comme un frère ; aime-la mieux encore, aime-la comme une mère. Remplace-moi, puisque je m’en vais. Si tu me promets cela, je mourrai contente. »

J’appuyai sa belle main pâle et froide contre mon cœur, et je promis.

— Alors, fit Irène qui écoutait les yeux baissés, c’est un devoir que vous accomplissez en m’aimant ?