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yeux se mouillèrent comme si c’eût été des mêmes larmes.

— Reynier, mon Reynier, dit Irène, je voudrais te donner plus que ma vie. Je souffre à t’entendre ; mais que de bonheur dans cette tristesse ! Parle encore de ce qui te touche, je veux tout savoir. J’aime et je hais : je suis comme ta pauvre mère.

— Tu hais ! répéta le jeune peintre avec une joie où il y avait de la terreur. N’oublie jamais que la vengeance est impossible.

Elle baissa les yeux pour cacher la flamme sombre qui s’allumait dans sa prunelle.

— Il me semble, reprit Reynier, que j’écoute encore ce murmure entrecoupé qui tombait des lèvres de ma mère. Elle m’avait dit, admirant comme toutes les mères la jeunesse robuste de son fils : « Tu es le plus fort, tue-le. »

Irène frissonna.

— Mais elle ajouta, poursuivit Reynier : « Enfant, mon premier regard t’a jugé, tu ne frapperas pas. Dans la bête féroce, tu vois ton père. Prends la fuite, alors, car il n’y a que deux alternatives dans la loi fatale qui mène ta race : tuer ou être tué. Va au bout du monde, cache-toi comme si tu avais commis un crime. »

— Elle avait raison, interrompit Irène à voix basse, il faut fuir. Partout où tu voudras aller, je suis prête à te suivre.