Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome II.djvu/324

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vise, il y avait déjà du temps que ma mère m’appelait Reynier. J’avais oublié l’autre nom.

Mais je portais sans doute la marque de ma destinée. Quelqu’un m’avait reconnu avant que je n’eusse miré moi-même mon visage dans ce tableau de la galerie Biffi dont la vue anéantit tout d’un coup mon insouciance d’adolescent.

Un couteau catalan m’avait frappé par derrière, à Rome, un soir que je cherchais un modèle de bandit derrière le Ghetto, et lors de mon premier duel, l’égratignure que j’avais reçue s’enflamma sans cause apparente, comme si j’eusse été touché par une arme empoisonnée.

Elles furent confuses, bien décousues surtout, les révélations de ma mère. Quand je la quittai, elle me dit : J’achèverai demain.

Mais le lendemain, on avait jeté son drap sur son visage. Elle était morte.

Reynier se tut, Irène avait appuyé sa belle tête pâle sur son épaule et le regardait en silence. Il y avait sur les traits de la jeune fille une inexprimable tristesse.

Reynier attendait une parole.

— Irène, murmura-t-il après un silence, pourrez-vous encore m’aimer ?

Elle lui jeta ses deux bras autour du cou. Leurs