Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome II.djvu/322

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’assassinat eut lieu en Corse presque sous mes yeux.

Ma mère n’était pas Zingara de naissance, mais elle suivait une troupe de Zingari qui allaient errant dans la Lombardie. On l’avait volée, — ou recueillie toute enfant, et on lui avait donné un nom : Zorah, qui était gravé sur la petite croix d’argent qu’elle eut au cou pour vivre et pour mourir. Quand elle eut quitté ses premiers maîtres on continua de l’appeler Zorah la Gitanette.

Elle était belle ; peut-être aurait-elle été bonne, le malheur n’avait laissé en elle qu’un sentiment : la vengeance. Elle avait tant aimé qu’elle haïssait mortellement.

Une nuit, dans la campagne de Milan, non loin du campement de ses frères, ma mère qui était alors une toute jeune fille, presque une enfant, fut témoin d’un combat à outrance. Elle s’était arrêtée sans voix derrière un buisson en entendant le cliquetis du fer. Un des deux champions tomba. Son adversaire se précipita sur lui et le bourra de coups d’épées furieux avant de s’enfuir.

C’étaient deux frères : — deux Bozzo.

Ils ont la vie dure. Julian ne perdit pas tout son sang par les trente plaies qui lui perçaient le corps, et qu’il devait à l’affection fraternelle du marquis Coriolan, son aîné. Il fut sauvé par les soins de la Gitanette.