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Ils avaient écouté, tristes, étonnés comme des malades dont le cauchemar se prolonge. Ils avaient souhaité ardemment le terme de cette fatigue odieuse, appelant le moment où ils pourraient échanger leurs pensées, ouvrir leurs cœurs, parler de leur amour.

Ils étaient condamnés, mais perd-on jamais l’espoir quand on aime ? Et ils s’aimaient comme si le danger qui les pressait de toutes parts eût concentré en un foyer brûlant les ardeurs de leur jeune tendresse.

Reynier dont tout le passé n’était qu’un long culte n’avait jamais adoré ainsi. Il le sentait à ce symptôme que tout autre impression, espérance ou crainte s’évanouissait devant la ferveur de son adoration.

Irène, elle, était à sa première heure d’amour. Bien plus que Reynier lui-même, elle dédaignait, elle repoussait tout ce qui n’était pas son amour où il y avait un remords poignant et un immense désir d’expiation.

Combien de paroles pendaient à leurs lèvres ! Tant que la présence de la dompteuse et de son mari les avait séparés, leurs deux âmes bondissaient l’une vers l’autre.

Et maintenant que l’obstacle avait disparu, ils restaient silencieux comme si la faculté même qu’ils avaient de tout dire les eût rendus muets soudain.