Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome II.djvu/309

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

longue fascination qui avait pesé sur son adolescence.

Le drame qui les entourait avait en soi quelque chose de si invraisemblable et de si impossible que leur intelligence se révoltait à chaque instant contre le témoignage même de leurs sens. Ils avaient entendu, ils avaient vu, et malgré eux, ils essayaient de ne pas croire.

C’était comme un embryon de pièce mal conçue qui se jouait sous leurs yeux, bâtie en dehors de toutes les règles dramatiques, et dont les gloutons de crimes qui dévorent les mélodrames, au boulevard, n’auraient même pas voulu.

Rien ne tenait là-dedans. La fable était encore plus grossière que folle. Les acteurs jouaient en dépit du sens commun. Un enfant, habitué aux contes de ma Mère-l’Oie, aurait rejeté avec dégoût ces brutales menteries.

Mais c’était vrai. La réalité menaçante, implacable, se dégageait du sein même de ces extravagances.

L’histoire racontée par maman Canada, et qui semblait une gageure d’absurdité, avait près de chacun d’eux des preuves à l’appui, que ni l’un ni l’autre ne pouvait récuser.

Loin de douter, ils savaient trop. C’est à peine si la dompteuse leur apprenait çà et là quelque détail burlesque et terrible.