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tombe, assis sur son cercueil, si mièvre et si cassé qu’on l’aurait tombé en éternuant dessus, au milieu de tous ces bandits, sans foi ni loi, dont le meilleur ne regarde pas plus à un coup de couteau qu’à une chiquenaude.

On dira ce qu’on voudra, ce bonhomme-là n’est pas une créature comme tout le monde. Je le voyais aussi distinctement que je vous vois, dans le cercle des Habits-Noirs qui s’était resserré autour de lui. Je me demandais pourquoi il avait affronté ce danger, pourquoi il bravait ainsi ses anciens associés, après les avoir fuis jusque dans la mort.

Quand il est trop vieux, le diable lui-même tomberait-il en enfance ?

Il était tranquille, ni plus ni moins qu’un invalide, prenant le frais sur l’esplanade. Il tournait ses pouces, pelotant comme un chat maigre, au soleil, dans sa gouttière. Faut vous dire que j’ai passé par ses mains, par ses griffes plutôt, car il n’y a pas au jardin des plantes un tigre plus féroce que ce matou-là.

Je les connaissais trop bien ses griffes !

Il en a fait des massacres et des carnages ! Sûr et certain, c’est bête de croire aux fanfreluches des mélodrames, mais le vampire de l’Ambigu s’était ainsi prolongé sa coupable existence en buvant des soupiérées de sang chaud…