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le cœur, c’est le démon de l’or. Ce n’était pas toi qu’il voulait, c’était moi. Mais il y a aussi en moi quelque chose de surhumain puisque j’ai échappé au danger par dix, par vingt miracles.

C’est l’or qui m’a donné cette puissance. J’ai vu l’or, cela m’a trempé. Le démon fait bien de me craindre. Il n’y a que moi dans tout l’univers pour le terrasser, pour l’étouffer sous le poids de son propre trésor…

— Ah ! ah ! poursuivit-il avec un rire éclatant, j’ai travaillé pendant des mois et des années. J’ai lu les vieux livres qui parlent d’alambics, de creusets, de matras où le plomb noir devient jaune comme un rayon de soleil.

Folies ! au fond de cette nuit hideuse, dans le boyau où mon pic attaquait la houille, j’ai consulté un autre livre : ma pensée. Et j’ai inventé, entends-moi bien, le moyen de cacher le trésor tout entier sous mon aisselle. Moi, regarde-moi ! crois-tu qu’on puisse tuer un homme cuirassé de tout l’or de la terre ?

Irène n’écoutait plus. Il y avait en elle une résignation morne. Elle attendait quelque chose de tragique et n’avait pas même la volonté de se défendre contre le malheur inconnu qui la menaçait.

Elle alla vers la seconde croisée : celle qui regardait la fenêtre de sa chambre et elle n’y vit plus de lumière.