Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome II.djvu/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

possible. De lever la main sur toi ça me semblerait aussi canaille qu’un sacrilège. Je me reproche déjà la parade. Tu ne crois pas ça, toi, mais je suis fort comme un bœuf sans que ça paraisse, et l’idée que je pourrais te blesser ou déboîter un membre…

Léocadie l’interrompit par un retentissant éclat de rire. Ce qui était sous les revers de sa robe de chambre dansait comme une mer agitée.

— C’est bon, reprit Canada un peu piqué. Tu n’y croiras jamais à mes moyens, car jamais je ne les développerai contre toi. Il y a donc que je n’aime pas changer, moi, je t’ai idolâtrée sous le nom de maman Léo, et rien que de prononcer ce nom-là il y a un frétillement dans mes veines comme un millier de petits poissons. Tu as voulu prendre un autre nom, va bien ! le bon sens dit qu’il fallait me débaptiser en même temps que toi, puisque nous ne faisons plus qu’un pour mon bonheur, mais…

Il hésita.

— Mais quoi ? demanda Léocadie.

La voix de Canada devint mélancolique et grave.

— Ne te fâche pas, répondit-il, ça ne serait pas digne de ton cœur, car la circonstance se rapporte à la délicatesse intérieure de mes sentiments au vis-à-vis de ma défunte famille. J’avais reçu mon nom d’Échalot de mes ancêtres qui s’étaient mariés légitimement devant Dieu et devant les hommes. C’est sacré. Et puis, j’en avais l’habitude. Tu as décidé