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Il se montra à vous, entouré de tout le prestige qui accompagne l’héritier dépossédé d’une grande race.

Vous retrouvâtes en lui ces emphases italiennes, cette bizarre poésie que sa sœur avait mis en usage pour subjuguer votre imagination d’enfant.

Le comte Julian, devenu le cavalier Mora, s’empara de vous par son malheur, par le prestige de sa prétendue naissance, par les épouvantables dangers dont il s’entourait comme d’une fantasmagorie héroïque… Ah ! je ne vous accuse pas : je connais leur infernale adresse. Il fut un jour où ils réussirent à me tromper moi-même.

Elle attira Irène chancelante et la pressa contre sa poitrine.

— Vous êtes entre le Mal et le Bien, ma fille, dit-elle avec un véritable élan d’émotion. Il est l’heure de choisir. Sentez les battements de mon cœur. Oui, je fus trompée comme vous, mais, moi, j’ai peut-être à expier dans le passé plus d’une faute.

Il n’est plus rien au monde pour me rendre un sentiment d’enthousiasme ou de bonheur, rien, sinon la passion du devoir, la joie d’affronter le danger qui expie. Je suis ici un soldat sous les armes. Irène, avez-vous confiance eu moi ?

— Oui… malgré moi, répondit la jeune fille.

— Nous avons besoin toutes deux que cette confiance soit entière, continua Marguerite, car mon se-