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puyer mes dires de leur témoignage. Connaissez-vous bien votre propre cœur ? Je crois que non. Vous êtes fascinée, non pas subjuguée. En tout cas, j’ai confiance en vous, et je vous fais juge.

— Laissez-moi vous demander, madame, si vous-même vous connaissez bien celui dont nous parlons.

La comtesse sourit.

— Tout à l’heure, dit-elle, vous m’auriez demandé volontiers si je ne le connaissais pas trop. Il y avait bien de l’inquiétude, bien de la jalousie dans le regard que vous dardiez vers moi, à travers les fleurs de votre croisée. Irène, vous êtes toute jeune, vous êtes presque une enfant. Moi, je suis vieille. Je vous ai déjà dit que je pourrais être votre mère.

Pendant qu’elle prononçait ces mots, il y avait autour de sa beauté un rayonnement qui éclatait comme un défi.

— Je connais le cavalier Mora, reprit-elle, juste autant qu’il le faut pour vous et pour moi. Et, entre parenthèse, ne m’en veuillez pas pour la visite dont je vous prive. Quand je suis entrée, vos yeux charmants m’ont dit combien votre attente était désappointée. Ce n’est pas ma faute. Je ne suis pour rien dans l’absence du cavalier Mora. Vous l’auriez attendu en vain : il est trop occupé ce soir.

Le regard d’Irène interrogea, mais la comtesse Marguerite poursuivit d’un ton péremptoire :

— Nous voilà bien loin de mon récit. Où en étais-