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tient, et leur jeu muet réclamait énergiquement le mot de l’énigme proposée.

La comtesse dit, comme pour répondre à cette fougue de curiosité, contenue par une discrétion courtoise :

— Irène, je pourrais être votre mère. Il y a vingt ans que je rencontrai Vincent Carpentier pour la première fois, et j’étais déjà une jeune fille de votre âge. Il n’était pas encore marié. Il n’était pas encore maçon. Il avait de belles ambitions et de grands espoirs. Si j’avais su, je vous aurais aimée plus vite, mais j’ai appris hier seulement que vous étiez la fille d’un compagnon de ma jeunesse.

— Mon père a été bien malheureux, prononça tout bas Irène. Il ne m’a jamais confié entièrement le secret de son malheur.

— Il serait plus à plaindre encore, répondit la comtesse également à voix basse, s’il savait que sa fille souffre et ne reconnaît plus son propre cœur ; s’il savait quelle n’hésite même plus entre le fiancé, ami de ses premières années et un inconnu, un étranger…

— Madame ! madame ! interrompit Irène, dont la voix tremblait, qui vous a dit cela ? Comment pouvez-vous connaître un secret que je n’ai confié à âme qui vive.

La comtesse lui prit les deux mains et l’attira plus près d’elle, en répétant :