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s’étendit vers la lettre qu’elle ouvrit pour en parcourir les lignes fines et serrées.

— Reynier ! murmura-t-elle quand son regard rencontra ce nom en parcourant la lettre, et involontairement ses yeux se portèrent au loin, vers les maisons de Saint-Mandé qu’on apercevait dans la lumière poudroyante du soir.

Puis ses paupières se fermèrent à demi sur une larme qui brilla entre ses longs cils.

— Reynier ! répéta-t-elle, sans savoir qu’elle parlait, je comptais les mois et les jours autrefois, pendant qu’il était à Rome. Mes grandes joies c’était de lire ses lettres, adressées à mon père, mais où il ne parlait que de moi. Notre cœur est-il donc si loin de nous que nous ne sachions jamais distinguer sa vraie voix ?

Dans la lettre, la ligne où était le nom de Reynier disait :

« Tu ne me parles plus de lui jamais, jamais… »

— Et quand il revint de Rome reprit-elle, ce fut la meilleure fête de ma vie. Je le trouvais si mâle et si beau ! Et je lisais une tendresse si profonde dans ses yeux ! Je voulus apprendre à peindre pour être avec lui plus souvent, et pendant toutes les vacances je fus son élève. Il admirait mes progrès ; tout ce que je faisais était bien, et mon père disait : « Il t’aime trop. »

Elle soupira.