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Lecoq éclata de rire.

— Pourquoi ris-tu, bonhomme ? demanda le colonel.

— Parce que, répondit Lecoq, depuis que j’ai l’âge de raison, papa, toutes les affaires que vous ruminez sont votre dernière affaire. Vous l’avez faite deux cents fois.

— Elle finira bien par venir, l’Amitié, murmura le vieillard avec mélancolie, ma vraie dernière affaire ! Nous sommes tous mortels, même moi. Montons, bonhomme, et appuie-moi comme il faut. Ma petite Fanchette m’occupe aussi, elle a l’âge de se marier. Quel amour d’enfant ! et si bonne !

Lecoq ne répondit pas.

— Comment la trouves-tu ? demanda le colonel.

— Bien, fit Lecoq sèchement.

— Tu la détestes, elle te le rend : sans cela je te l’aurais donnée en mariage.

— Merci ! fit encore Lecoq. J’aime la vie de garçon. D’ailleurs, je ne viens plus qu’en seconde ligne, papa. Votre favori est maintenant ce précieux Vincent Carpentier, architecte manqué, dont vous avez brossé la veste pleine de plâtre. Est-ce lui qui va payer les fleurs d’oranger à Mlle Francesca Corona ?

Le colonel regarda Lecoq. Ses yeux, dont la prunelle n’avait plus qu’une transparence trouble, sem-